29 September 2015

Hors série : niqab-o-manie


Pour entendre les commentaires, on penserait le niqab une costume transmissible, les quelques femmes qui le portent des vies de transmission de l’extrêmisme. Pourtant, elles demeurent une minorité miniscule de musulmanes dans notre pays.

Laisse-moi me placer dans ce débat. Je suis autant dérangé par l’idée qu’une femme doit se cacher du regard des hommes que l’ensemble de mes voisins. Ceci me semble à l’encontre de tout ce que nous (ou certain-e-s entre nous) avons travaillé depuis longtemps, pour améliorer la place des femmes dans notre société. Je suis également athée — je considère que la religion a fait beaucoup de torts dans notre histoire, dans l’histoire du monde — et je me sens mal à défendre l’exercice de la religion dans n’importe quelle forme. Oui, il y a certainement des croyants qui sont fidèles à l’expression de leurs croyances et qui contribuent au bien-être de nos communautés — il y a même beaucoup de ces personnes. D’autres nuisent au développement et au bien de nos communautés par des expressions de haine et d’intolérance au nom de leurs dieux.

Il y en a qui vont dire que le niqab n’a rien à faire avec l’Islam, que c’est une tradition obscur d’une tribu quelque part dans le monde. Mais je vais aborder la question comme si elle porte sur la religion, car toutes les critiques portent sur l’influence de l’Islam et sa « subjugation » des femmes. [Personnellement, je n’ai pas vu de religion qui ne relègue pas les femmes à un rang inférieur, mais c’est tout une autre histoire.] Donc, prenons pour acquis que ça fait partie d’une religion, même si ce n’est qu’une petite partie de cette religion.

La liberté des croyances religieuses

Je vais répéter que je suis athée, mais je tiens à ce que notre société protège le droit aux fausses croyances des adhérent-e-s des religions. Ce n’est pas gentil — je pense que ces personnes gaspillent leurs énergies et leur argent — mais je défends leur droit de le faire si elles le veulent. Je défends ce droit jusqu’au moment où ça empiète sur un droit de quelqu’un d’autre. Je ne considère pas que nous ayons un droit à la similarité, un droit de ne pas voir ce qui est différent, donc j’ai de la misère à voir comment que la costume ridicule d’une autre personne empiète sur mes droits. Notons que pour les fins de sécurité de la population, il n’y a pas de revendication de ne pas s’identifier ou de maintenir le visage couvert sur les pièces d’identité, peu importe ce que les images et les messages qui circulent sur les médias sociaux prétendent.

En effet, je défends le droit à l’erreur, jusqu’au point où l’erreur touche les droits d’une autre personne.

La place des femmes

Je trouve complètement ridicule l’idée que le Parti conservateur  du Canada soit le grand défenseur des droits des femmes ou de la place des femmes dans notre société. J’affirme ma propre croyance que les femmes doivent être partout dans notre société, et visiblement partout.

Il y a une question importante des choix que font les femmes musulmanes qui ont décidé de porter le niqab, ou le voile intégral. Plusieurs dans notre société prétendent que ces femmes se font imposer le niqab par leurs maris ou leurs pères, alors que les femmes porteuses de niqab insistent qu’elles l’ont choisi pour elles-mêmes, parfois à l’encontre de la volonté de ces hommes dans leurs vies. Si c’est imposé, c’est clair pour moi que c’est inacceptable. Mais comment est-ce qu’une commande de ne pas porter le niqab diffère d’une commande de le porter? N’est-ce pas aussi contraignant d’interdire que d’imposer?

Mais comment distinguer entre la femme contrainte de le porter de celle dont le port du niqab est un choix? Je trace un lien avec les autres domaines sociaux dans lesquels j’ai eu un peu d’expérience. On ne peut pas forcer quelqu’un de chercher l’aide. Notre rôle comme société est de s’assurer de l’offre d’aide avec des ressources nécessaires, de le faire connaître par la promotion de ces services dans tous les coins de notre société, et de rendre accessible les services d’aide par un accueil sans jugement.

Si le niqab est le symbole de l’oppression d’une femme, est-ce que ça va aider cette femme qu’on la repousse des services de l’état et d’une place dans une société où elle peut voir d’autres femmes vivant sans les mêmes contraintes qu’elle? Est-ce qu’on dirait à une femme victime de violence physique de revenir chercher de l’aide quand ses contusions soient guéries?

Le cas de la cérémonie de citoyenneté


Deux tribunaux se sont prononcés dans ce cas. Si la Cour suprême du Canada accepte d’entendre le cas, je n’ai aucun doute que le résultat soit le même. Ce n’est pas une décision qui affirme le droit de porter le niqab, encore malgré tout ce que vous avez lu dans les médias et sur les médias sociaux. Les deux décisions portaient sur le défaut du gouvernement fédéral de suivre les règles pour faire adopter une obligation de prêter serment à visage découverte. Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration a envoyé une directive fondé sur ses pouvoirs ministériels qui dépassait ses pouvoirs en vertu du règlement dûment adopté et entériné. Il aurait pu suivre les règles pur changer le règlement comme il faut, mais non, ce n’est pas l’approche des conservateurs. Ils préfèrent couper les coins ronds et ensuite pointer un doigt accusatoire aux tribunaux « activistes » qui les rappellent à l’ordre.

Notons que cette femme a bien découvert son visage pour se faire identifier lors de l’examen et afin de se faire identifier avant la cérémonie. Mais ce n’est pas l’histoire que nous présentent nos politiciens.

Le jeu politique

Je suis profondément déçu des propos et des actions du Parti conservateur et du Bloc québécois sur cette question. Ils essaient de provoquer la peur de l’autre et de scorer des points sur le dos des quelques femmes qui portent le niqab au Canada. Je suis également déçu que cette stratégie semble fonctionner.

Tenons-nous un discours sur la santé et la sécurité des femmes? Non. Le gouvernement sortant a annulé le financement des centres de recherche en santé des femmes et de plusieurs ressources à l’intention des femmes. Ce même gouvernement refuse de prendre au sérieux la disparition et le meurtre de plus de mille femmes autochtones dans ce pays. Mais le sort de quelques femmes…et d’une femme en particulière…en niqab les mobilise non pas pour sauver ces femmes, mais pour les ridiculiser et les exclure.

Et le Bloc québécois? Qui aurait soupçonné qu’une cérémonie pour prêter serment à la reine d’Angleterre aurait autant de signifiance pour ce parti indépendantiste? Tout ce qu’ils vont réussir à faire, à part de victimiser davantage ces femmes minoritaires, est de faire élire le gouvernement sortant pour un autre mandat, tout en étant écarté de la carte électorale. Bon débarras.

Je vous laisse avec la meilleure réponse aux deux côtés de ce débat : les niqabitch.

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